Para-karaté : Antoine nous livre son expérience

Antoine pratique le Karaté, plus exactement, le para karaté. Il a accepté de nous parler de sa pratique, adaptée à son handicap. C’est une belle leçon de courage, de lucidité, de partage. Merci de tout ce qu’il apporte avec ses camarades lors de nos regroupements handi/valides.

Michel Massarin

Je me présente, Antoine, membre de l’association Santé, Mouvement, Équilibre et licencié au Karaté Club Le Vernet où sont pratiquées des activités sportives adaptées dont le para-karaté. Un problème de santé assez grave en 2011 m’a rendu handicapé, à savoir une perte des muscles aux extrémités (mains, pieds). Il en a résulté un problème d’équilibre sérieux (m’obligeant à me déplacer avec une canne) et un manque de force, qui limite mes déplacements. Je travaille dans le domaine de l’informatique en tant que consultant indépendant.

Il y a maintenant trois ans que j’ai commencé la pratique du karaté. Les deux premières années ont été difficiles tant du point de vue physique avec le handicap (problèmes d’équilibre, épuisement rapide) que de l’apprentissage de la technique (coordination et mémoire). Depuis octobre 2019, les progrès ont été significatifs et un palier a été franchi, souligné par le stage du 29 février 2020.

Bien évidemment les enchaînements dans les kihons et les katas sont encore grossiers et la
fluidité n’est pas encore au rendez-vous mais la maîtrise des principes de la plupart des techniques est bien avancée. C’est le passage obligé de tout karatéka mais avec un handicap, cela prend une proportion plus importante car il faut contrôler le geste et se libérer de la contrainte physique. L’exemple le plus parlant est la position kiba-dachi car elle nécessite d’avoir les pieds parallèles et une assise solide. Dans mon cas, pour tenir la position, les muscles doivent fournir un effort conséquent pour maintenir le centre de gravité du fait de mon manque d’équilibre tout en essayant d’avoir un alignement parfait des pieds.

Les exercices réguliers lors des entraînements, répétés encore et encore notamment dans les kihons, sont la clé d’un bon savoir-faire. La mécanique corps / esprit est essentielle car c’est la conscience qui va déterminer ce que le corps doit faire. Dans le cas du handicap, la perception de l’environnement par la conscience peut être un frein : la sensation de l’espace, le vide qui m’entoure et donc la peur de chuter m’ont longtemps bloqué. C’est là un des points positifs que je tire du para-karaté : m’obliger à dominer une peur qui remonte aux premiers pas que j’ai effectués lors de ma rééducation en centre. Par ailleurs, je commence (avec l’aide de Jean-Pierre et Michel) à essayer de déterminer comment réaliser des enchaînements harmonieux dans les katas. Je ne peux pas tenir certaines positions (être droit et pieds joints), effectuer certaines transitions (sauter, tourner à 180°) donc il faut trouver par exemple quel nombre minimum de pas et leurs positions quand je tourne au début de Heian Sandan pour que le déroulement du kata soit homogène et se rapproche de ce que les karatékas valides réalisent. Cela va devenir plus difficile avec les prochains Heian que je vais devoir aborder pour les passages de grades supérieurs.

Cette progression continue depuis 3 ans est due aux cours animés par Jean-Pierre. Mais aussi par les stages réguliers que nous effectuons au Karaté Club Le Vernet sous la direction de Michel. De mon point de vue, ces séances sont très intéressantes tant sur le plan de l’évaluation de la maîtrise de la technique que sur le plan physique. Nous sommes mélangés avec des pratiquants valides de grades différents qui, en plus du regard de Michel, peuvent nous conseiller sur tel ou tel aspect d’une position et nous encourager. Ils peuvent de leur côté prendre conscience de la difficulté d’accomplir certains gestes qu’ils exécutent naturellement. Les séances sont plus longues qu’un entraînement en semaine donc elles ont un impact physique important. Et nous devons suivre le rythme des valides (avec bien sûr des aménagements). Cela me sert donc d’étalon pour mesurer quelles sont mes limites corporelles, je calcule ainsi le nombre de fois où je dois m’assoir pour récupérer. Il est important qu’à intervalles réguliers, nous puissions nous confronter à une autre réalité et ainsi nous améliorer.

L’essentiel est de prendre du plaisir et se renforcer physiquement. Si l’on me demandait aujourd’hui en quoi faire du para-karaté peut aider un handicapé, je répondrai augmentation de la confiance en soi : dépasser une invalidité physique de quelque nature que ce soit est un moyen de
gagner en assurance, de retrouver parfois l’estime de soi et de s’ouvrir aux autres par l’échange. C’est une école de l’humilité qui permet de grandir tout restant lucide, c’est-à-dire conscient de ses limites mais avec l’objectif de les dépasser.